"(...)On serait du reste tenté d’estimer que la solution la plus efficace serait de quitter sans retour la scène de l’enfance pour se nourrir de ce qui en fut intériorisé au gré des constructions et des démontages, des redéploiements et des restaurations, dans la féconde fréquentation des bribes, fragments, traces, vestiges pourvoyeurs de situations et de figures, de drames et de personnages, subissant la loi du déplacement, entre les substitutions et la sublimation.
Mais comment être en accord avec ce que l’homme porte au-dedans lorsque nous retournons régulièrement vers le site réel qui est à l’origine de la scène intérieure ? La métamorphose du lieu instaure une étrangeté renouvelée par égard à ce qui fut la familiarité même.
Et dans la constance des allers et retours, vous finissez par ne plus vous conformer aux stations du pèlerinage, vous n’entretenez plus le catalogue des ruines et des métamorphoses. Retour d’exil, dans l’inspection de ce qui reste du royaume, vous ne cherchez même plus à imaginer la transfiguration des formes qui logent dans un espace soumis à un changement n’ayant pas sollicité votre participation. Vous vous y trouvez ainsi doublement étranger: d’abord, je le répète, le site ne vous a pas attendu pour subir ses transformations ; ensuite, la signalétique qui en balise l’approche ne lève en vous ni l’approbation ni la connivence : n’oriente-t-elle pas les sens vers une iconographie illustrée et défendue par une classe de gardiens et de prêtres à laquelle vous n’appartenez pas et qui œuvre pour substituer à la réalité du pays une imagerie officielle, laquelle entre en dissonance avec la vérité du mythe que vous portez à vif, en aval, dans les labyrinthes de l’exil ?(...)"
Extrait du texte "La logique du territoire" de Abdelwahab Meddeb
Paris, 1997
Votre sécurité est une priorité, nous demandons donc à tous nos visiteurs lors de leurs visites à la galerie Selma Feriani pour les expositions et événements de porter un masque et de pratiquer la distanciation sociale.
